Il semble des gens de qui l’esprit guinde, Sous votre front jamais deride, Ne souffre, n’approuve et n’estime que le pompeux et le sublime; me concernant, j’ose poser en fera Qu’en de Quelques moments l’esprit le plus bon Peut aimer sans rougir jusqu’aux Marionnettes; Et qu’il sera des temps et des lieux Ou le grave et le bon Ne valent pas d’agreables sornettes.

Pourquoi faut-il s’emerveiller Que Notre Raison la mieux sensee, Lasse souvent de trop veiller, Par Plusieurs contes d’Ogre et de Fee Ingenieusement bercee, Prenne bonheur a sommeiller?

Sans craindre donc qu’on me condamne De en gali?re employer mon loisir, Je vais, pour contenter votre juste desir, Vous conter tout au long l’histoire au soleil d’Ane. Cela etait une fois 1 Roi, Le plus grand qui fut sur la Terre, Aimable en Paix, terrible au combat, Seul enfin comparable a soi: Ses coloc’ le craignaient, ses Etats etaient calmes, Et l’on voyait de l’ensemble de parts Fleurir, a l’ombre de ses palmes, ainsi, les Vertus et les beaux Arts. Le aimable Moitie, sa Compagne fidele, Etait si charmante et si belle, Avait l’esprit si commode et si doux Qu’il etait encor avec elle Moins heureux Roi qu’heureux epoux. De leur tendre et chaste Hymenee Plein de douceur et d’agrement, Avec tant de vertus une fille etait nee Qu’ils se consolaient rapidement De n’avoir aucun plus ample lignee.

Dans son vaste et riche Palais Ce n’etait que magnificence; Partout y fourmillait une vive abondance De Courtisans et de Valets; Cela avait dans son Ecurie Grands et petits chevaux de toutes les facons; Couverts de beaux caparacons, Roides d’or et de broderie; Mais cela surprenait n’importe qui en entrant, C’est qu’au lieu le plus apparent, Un maitre Ane etalait ses deux belles oreilles.Continue Reading..